CONCERTATION • 01.03.23 • ROCHER DE PALMER • CENON

89

INSCRIT•E•S

POUR

68

STRUCTURES REPRÉSENTÉES

 

  • Membres du comité stratégique : 21

  • Collectivités territoriales : 2

  • Structures professionnelles de la filière des musiques actuelles : 52

  • Structures professionnelles de la filière des musiques de répertoire et de création : 8

  • Collectivités territoriales : 2

  • Autres typologies de structures : 6

La séquence du 1er mars au Rocher de Palmer (Cenon, 33) a marqué un franchissement de cap dans le processus de Concertation territoriale. Clôturant la phase de collectage des enjeux des acteurs de la filière musicale débutée le 6 octobre 2022 à la Nef (Angoulême, 16) prolongée à Rochefort (17) le 22 novembre 2022, les participant·e·s ont pu commencer à échanger concrètement sur les évolutions à envisager pour les dispositifs du Contrat de filière.

La plénière a été consacrée à la présentation des données recueillies par le questionnaire d’évaluation et de prospectives du Contrat de filière, puis à un débat sur la réception de ces éléments chiffrés vis-à-vis des expériences et ressentis de chacun·e. Les ateliers thématiques de l’après-midi ont permis d’explorer l’esprit de nouveaux dispositifs dans le cadre du Contrat de filière, notamment sur l’enjeu de l’égalité des genres au sein de la filière musicale.

Échanges en plénière

Point d’étape de l’étude de priorisation et de prospectives du Contrat de filière musique et variétés de Nouvelle-Aquitaine.

L’étude n’est pas terminée : cliquez ici pour la renseigner. Cette étude nourrira les discussions des différentes instances du Contrat de filière (Concertations territoriales, comités de coordination, comités stratégiques) sur la période 2024-2027.

Des enjeux de l’accompagnement artistique mal pris en compte

La crise du lien aux publics est un phénomène global observé par les structures de la filière musicale, cependant la dimension artistique est rarement interrogée par les porteurs de projets musicaux.

Un des leviers d’action inhérents aux métiers qui composent la filière est celui de l’accompagnement des artistes dans la structuration de leur proposition et la pérennisation de leurs activités sur le long terme. Cet aspect semble relativement invisibilisé dans les débats en Concertation territoriale et dans les différentes initiatives d’observation portées sur la filière musicale.

Les activités d’accompagnement artistiques doivent être mieux prises en compte au sein des structures et par les politiques publiques qui viennent soutenir la filière, afin de permettre leur structuration et leur prise en compte dans les modèles économiques.

Un sentiment d’abandon des porteurs de projets en milieu rural

Bien que la Nouvelle-Aquitaine soit une région à dominante rurale, la voix des porteurs de projets dans les territoires ruraux semble avoir des difficultés de résonance aux endroits de la prise de décision publique.

Cette observation est connectée à la tendance des électorats ruraux à se fixer sur les propositions politiques de repli sur soi, en témoignent les récents scores du Rassemblement National dans ces territoires. La filière revendique l’ouverture, la promotion des droits culturels et la mise en valeur de toutes les cultures, soit une vision diamétralement opposée au signal envoyé dans les urnes lors des dernières séquences électorales. La prise en compte des enjeux spécifiques des territoires ruraux par la filière musicale d’une part, et les politiques publiques d’autre part, paraît une nécessité pour contribuer à agir en adéquation avec les valeurs promues par les structures représentées dans le processus de Concertation territoriale.

Les partenaires publics pointent un contexte budgétaire tendu à tous les niveaux de l’action publique et une polarisation des financements sur les projets les mieux identifiés (notamment les structures labellisées) qui influe sur la capacité de faire entrer de nouveaux acteurs dans leurs champs d’intervention et de soutien. Une volonté de réflexion vis-à-vis de ce cadre d’intervention est toutefois exprimée par les partenaires.

Les pratiques en amateurs, clef de voûte de la filière musicale

Pour beaucoup d’acteurs de la filière musicale, notamment ceux qui œuvrent dans les champs d’activité de la transmission, la séparation faite en matière de politiques publiques entre les pratiques musicales professionnelles et en amateur pose problème. D’abord, l’adoption du cadre juridique international des droits culturels rend cette séparation obsolète en droit. Ensuite, les deux notions sont poreuses à l’échelle de la filière, une même personne peut se trouver en situation de pratique professionnelle sur une partie de ses activités et en amateur sur une autre partie. Enfin, s’il est choisi de garder le prisme ségrégatif professionnel/amateur, il semble indispensable de noter que les activités d’encadrement des pratiques en amateur sont opérées par des professionnels qui constituent un champ à part entière dans la filière.

De l’action culturelle à l’enseignement musical en passant par l’accompagnement artistique de projets en cours de structuration, nombre de missions sont invisibilisées par les cadres de réflexion dominants. Cet état de fait retarde à la fois la mise en discussion de fond appelée des vœux de ces champs d’activités comme leur prise en compte pleine et entière à la fois au niveau de la filière et des politiques publiques.

Une logique d’appel à projets déconnectée du quotidien des acteurs

Le Contrat de filière se trouve en tension entre la logique d’expérimentation et les contraintes propres aux partenaires publics de l’annualité budgétaire qui conditionnent en grande partie une méthode de soutien aux acteurs par appel à projets, et une nécessité de réflexion à moyen terme pour les structures afin de penser leurs modèles.

Les actions permises par les financements dans le cadre d’appels à projets du Contrat de filière créent de l’espoir, parfois de la demande sur le territoire, quand leur modèle de pérennisation ne peut pas être formalisé sur une seule année. Ces éléments de constat amènent à une demande forte des acteurs de la filière musicale de penser la pluriannualité des dispositifs de soutien, qui aurait des effets vertueux à la fois pour pérenniser des actions pertinentes sur le territoire et pour sécuriser le travail sur la solvabilité économique générale des porteurs de projets.

Un des axes d’amélioration à explorer dans ce cadre pourrait être d’approfondir les outils d’évaluation à disposition des acteurs. L’existant ne semble pas suffire notamment aux questionnements, nécessaires sur la capacité en termes de ressources humaines des structures à s’engager sur des projets en plus de leurs activités habituelles. Les participant·e·s sont en demande d’outils plus performants pour évaluer en amont, pendant le déroulé et après la conduite des projets soutenus dans le cadre d’appels à projets.

Ces revendications croisent une réflexion plus large sur le développement de dispositifs de montée en compétences sur la méthodologie de projets (cf. compte-rendu des ateliers thématiques).

Un paradoxe des ressources humaines dans la filière musicale

La thématique des ressources humaines est invariablement considérée comme un enjeu prioritaire par les acteurs de la filière musicale, contrairement à celle du management qui arrive souvent dans les items les moins prioritaires.

Dans un contexte où la filière se questionne sur les difficultés de recrutement et un sentiment de baisse de l’attractivité de l’emploi culturel, ce paradoxe appelle à une prise de conscience, parfois un changement de paradigme, dans la manière dont les équipes sont organisées et gérées. Un des biais de l’observation réalisée dans le processus de Concertation territoriales est que ce sont les paroles de personnes en charge de la direction ou de l’administration des structures musicales qui est exprimée et débattue.

Le changement global du rapport au travail, notamment par les génération plus jeunes qui entrent dans l’emploi, semble être une ligne de force qui transcende largement la seule filière musicale. De ce constat ne peut se dispenser d’être accompagné par une réflexion de fond et une adaptation à un contexte nouveau, au risque d’une déconnexion de plus en plus importante entre les conditions d’emploi de la filière et les attentes des personnes susceptibles d’en occuper les emplois.

Ateliers thématiques

Prospectives sur de nouveaux dispositifs dans le Contrat de filière

Remarques générales :

Les acteurs ne perdent pas de vue que le Contrat de filière a vocation à mettre en place des expérimentations qui ont pour objectif d’infuser dans le droit commun. Des regrets sont exprimés quant à la teinte très économique prises par les dispositifs ces dernières années, donnant lieu à la demande de remettre les enjeux artistiques dans une position plus centrale pour le contrat de filière. Des questionnements sont formulés autour de la durabilité et la responsabilité sociétale des organisations au moment de réfléchir des critères d’écosocioconditionnalité dans les règlements d’intervention publique.

Territoires

Corollaire de l’expression des enjeux spécifiques de la ruralité (cf. paragraphe « Un sentiment d’abandon des porteurs de projets en milieu rural »), le constat est partagé d’une disparité territoriale dans la structuration des acteurs musicaux en Nouvelle-Aquitaine comme dans leur accès aux aides publiques.

La question se pose donc de dédier une ou plusieurs mesures du Contrat de filière à des territoires particulièrement en tension, de l’ordre d’une intervention financière (dans l’idée d’une refonte de la mesure Lieux et projets culturels de proximité), dans l’incitation aux coopérations et solidarités professionnelles en ruralité, ou encore à travers des actions pédagogiques spécifiques à ces territoires.

NB : un atelier dédié à cette question sera organisée lors le Concertation territoriale du 26 avril 2023 au Centre Jean Moulin (Limoges, 87).

Méthodologie de projets

L’un des enjeux majeurs évoqués durant cette séquence de Concertation territoriale est la difficulté de pérenniser une action permise dans le cadre de l’accès au financement d’un appel à projet annuel. Plusieurs pistes ont été évoquées pour répondre à cette problématique :

  • approfondir les outils d’auto-évaluation des acteurs en amont, pendant et après la réalisation d’un appel à projets,

  • créer un dispositif de mentorat entre une structure lauréate d’un appel à projets et une structure qui y a eu accès sur une précédente occurrence,

  • dédier une partie de l’enveloppe financière accordée dans le cadre d’un appel à projets spécifiquement sur les missions qui auront vocation à pérenniser l’action,

  • réfléchir à un dispositif non-financier de montée en compétences sur la méthodologie de la préfiguration jusqu’à l’essaimage potentiel d’une action.

Modèles économiques

La fragilité de modèles économiques est un élément central qui ressort de l’étude d’évaluation et de prospectives sur le Contrat de filière dont les éléments ont été restitués lors de la séquence plénière. En conséquence, les acteurs expriment une nécessité de consolider l’existant avant de pouvoir développer de nouvelles activités, ce qui contrevient le plus souvent à la logique d’appels à projets annuels. Un accompagnement financier pluriannuel pourrait être une piste de solution pour plus de visibilité économique sur la pérennité des modèles et la capacité de mener des projets structurants sur le long terme.

En parallèle, l’injonction à la réflexion sur les modèles économiques induite par le positionnement des appels à projets ces dernières années fait courir le risque pour les porteurs de projets de perdre la question artistique de vue, alors que cette dernière est absolument centrale pour les structures de la filière musicale. Cet aspect pose plus globalement la problématique de dégager de la marge artistique au sein des modèles économiques.

Égalité des genres

Les acteurs font état de difficultés à réfléchir cette problématique systémique à l’endroit de la filière musicale, qui constitue une marge restreinte de la société entière qui a à se questionner sur l’inégalité des genres dans toutes les sphères sociales. Les chiffres récemment publiés par le CNM font toutefois état d’une situation particulièrement criante au sein de la filière, face à laquelle une réponse expérimentale peut être réfléchie dans le cadre du Contrat de filière.

Un des constats dressés pour la filière musicale est que l’inégalité de représentation entre femmes et les hommes dans les productions et programmations trouve ses racines dans le cursus de formation des artistes, avec une répartition genrée des pratiques instrumentales un rationnement de l’occupation des studios de répétition et des parcours de pré-professionnalisation. Ce constat nécessite néanmoins d’être affiné pour qualifier les mécaniques de désengagement des personnes, sur le modèle de l’étude territorialisée en Charente Les drôlesses musiciennes qui a permis aux acteurs du territoire de formaliser des actions pour contribuer à résorber ces logiques inégalitaires.

Pour étendre cette réflexion, les participant·e·s à la Concertation territoriale proposent de concevoir un parcours de mesures en trois étapes : élaboration d’un diagnostic spécifique et territorialisé en lien avec un pôle de ressource externe, actions de formation des personnes sur le territoire en question, pour aboutir à une mesure financière d’aide à la mise en place de dispositifs adaptés pour agir au niveau d’un territoire. Un parcours de ce type pourrait permettrait de transcender le seul secteur de l’enseignement/formation artistique pour avoir un effet sur toutes les typologies de métiers de la filière. Sont notamment identifiés les enjeux de l’architecture des lieux, de la segmentation vie professionnelle / vie privée qui pèse davantage sur les femmes, l’invisibilisation des femmes dans des contextes où elles sont sous-représentées.

En raisonnant dans une temporalité plus courte au regard du degré d’urgence de la situation, l’identification de structures ressources pour axes des transferts de savoir-faire sur l’égalité des genres, un système de bonification financière dans l’intégralité des dispositifs du Contrat de filière et la perspective de la mutualisation d’emplois ressources sont des axes identifiés par les participant·e·s. L’ensemble des parties prenantes de la filière musicale doit être mobilisé pour que le travail sur cet enjeu systémique puisse avoir un effet significatif sur les pratiques et les représentations.

Soutien des radios de découverte musicale

Les acteurs de la filière réitèrent la nécessité d’avoir un tissu médiatique (notamment radiophonique) indépendant dense et dynamique en Nouvelle-Aquitaine. La première occurrence de l’appel à projets dédié au sein du Contrat de filière est saluée, mais une évaluation et des améliorations du règlement d’intervention sont appelées des vœux des acteurs, avec l’enjeu de l’élargissement formel de ce dispositif aux webradios.

NB : un atelier dédié à cette question sera organisée lors le Concertation territoriale du 26 avril 2023 au Centre Jean Moulin (Limoges, 87).

Labels phonographiques

L’arrêt de l’appel à projets labels indépendants structurants, dont la dernière occurrence a eu lieu en 2020, laisse le versant phonographique de la filière sans dispositifs de soutien dédié au sein de la démarche de Contrat de filière, ce qui pose question aux participant·e·s à la Concertation territoriale. Les labels phonographiques constituent un rouage essentiel au fonctionnement de la filière musicale, à la structuration et à la visibilité des projets artistiques. Les difficultés s’empilent pour ces acteurs depuis la reprise de l’activité post Covid-19 qui a eu pour conséquence des crises des matières premières avant même la crise inflationniste en cours du fait de la guerre en Ukraine. Il s’agirait donc d’actualiser et d’ajuster les modalités d’intervention du Contrat de filière afin que ces acteurs soient prise en compte en son sein.